Je consacre mes dernières forces à rédiger ces pages. Telle est également
la seule joie qui me reste, depuis mon lit d'agonie.
Ces phrases que je couche sur mes feuilles de papier contribuent à
m'apaiser.
J'ignore si mes écrits seront voués au mépris ou bien simplement jetés avec
mes autres misérables affaires sans qu'on y prête la moindre attention. Mes
productions textuelles valent-elles la peine que les gens honnêtes se penchent
sur leur lustre indécent ? Les épanchements des criminels n'ont jamais fait
l'unanimité, je le comprends.
Mes histoires sont celles d'une fourmi enfermée dans un carré minuscule et qui
n'a rien à raconter de mieux que son vécu insignifiant autour de quatre
briques.
Il est question ici de l'aventure d'un échec, de l'oeuvre d'un naufragé, de
la tentative d'évasion d'une ombre anonyme vers l'impossible. Mais aussi de la
démesure du vide carcéral, ramassée dans un recueil de textes comme des graines
séchées collectionnées dans une boite d'allumettes.
Des lignes qui, finalement, peuvent ne signifier que du vent pour des
regards extérieurs... Faut-il se retrouver si proche du néant, côtoyer si
intimement les ténèbres pour que remontent avec tant de fulgurance - ou de
vacuité - ces pensées lourdes à la surface du monde, à la portée des hommes, sous
la lumière du jour !
Pauvre prisonnier à qui l'on a accordé le privilège de pouvoir tuer son
temps avec une plume, à moindre coût, et ainsi s'amuser à faire de ses heures
perdues des montagnes rédactionnelles, je ne suis peut-être après tout qu'un
dérisoire fétu d'humain déjà mort et inhumé, disparu depuis belle lurette dans
l'indifférence générale.
Un producteur de mots inutiles.
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