25 octobre 2025

52 - À l'ombre de ma vie

Je suis engagé dans un voyage d'une lenteur monacale aux promesses tombales.
 
Je séjourne dans l'ombre de jours d'ennui, m’enlise dans la lourdeur des mois sombres et mornes, suis plongé dans l'enfer d'une vie vouée à l'impasse, me dirige vers la mort d'années totalement stériles. C'est une marche sur une route de néant bordée par des montagnes de grisaille.
 
Jusqu'à ce que mon dernier souffle me délivre de ces chaînes de ma condition carcérale, aussi oppressantes que l'acier, je n'ai rien d'autre à espérer que le malheur. Tant dans les détails de mon quotidien banal de captif que dans les grandes lignes de mon sort inconcevable de condamné à perpétuité. Cela dit, il m'est tout de même possible, dans une certaine mesure, de remodeler un tant soit peu cette misère à ma convenance. Je puis produire quelques vagues de légèreté, de folie, d'évasion dans cette mer plate de cauchemar.
 
Ici dans ma cellule je vogue dans un gouffre, certes. Mais il me suffit d'avoir le courage et la force de prendre de la hauteur dans mon âme, d'arranger avantageusement mes pensées, de préparer mon coeur à de meilleures perspectives, pour que cette fosse noire devienne un sommet lumineux, un promontoire vers un monde qui s'ouvre au lieu de se fermer.
 
Ce n'est pas la simple et bête imagination qui m'aide à accéder à ces nuages de l'esprit, non. C'est bien mieux. Cet azur s'appelle la poésie.
 
Avec ce ciel que je porte dans ma tête, le trou de ce tombeau où je gis et respire tout à la fois ressemble alors pour moi à un vaste espace sidéral, à une immensité non pas d'enfermement mais de liberté.
 
Le vide, la solitude et le silence de la prison, à mes yeux prennent des allures d'expérience astronautique, comme une aventure spatiale idéale, aussi fabuleuse que vertigineuse... Et je m'enfonce loin dans les profondeurs cosmiques. Heureux. Oui, heureux. Ou du moins, ivre. Troublé non pas par des illusions, mais par de nouvelles réalités, par d'autres certitudes.
 
Même si l'escapade ne dure que le temps d'un rêve, je parviens à voir des étoiles dans ma nuit de reclus.

Avant de me réveiller ceint par les murs immuables de ma geôle.

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