Tous les samedis je reçois la pluie sur le dos.
Une averse artificielle qui me fait ressembler à un oiseau aux plumes
mouillées. Ou à un ragondin visqueux, trempé de déprime. Je prends une douche
pour me décrasser de ma semaine passée au fond de mes ténèbres et pouvoir, ainsi
savonné, entrer tout propre dans l'obscurité des sept jours qui suivront. Mon
séjour dans la cellule me ternira de nouveau au bout du même temps et,
indéfiniment, j'irai relaver ma peau sale.
Bref, à dates fixes je rends présentable ma tristesse. L'administration
pénitentiaire l'a ainsi décidé. Pour plaire aux murs qui me font tant d'ombre,
peut-être...
Je suis enfermé dans un cycle sans fin d'une vie aux apparences absurdes.
On me sort de mon trou tandis que j'y suis devenu tout noir, afin que j'y
retourne presque aussitôt après, mais tout blanc. Et ce, quatre fois par
mois.
J'y vois surtout une louable volonté bureaucratique de me faire blanchir de
mes péchés. Durant toute mon existence je devrai régulièrement aller me purifier
de mes actes mauvais à travers ces ablutions qui prennent la forme d'une banale
habitude hygiénique.
Ce qui me sauve, c'est que dans ma rédemption de pénitent j'accepte toutes
les folies qui se présentent à mon esprit pourvu qu'elles m'élèvent, cherche
dans le prosaïque quotidien n'importe quel symbole qui puisse me désigner de
saines hauteurs, suis prêt à recevoir jusque dans la fosse de mes toilettes le
moindre signe à interpréter qui soit constructif.
Et les incongruités, aberrations et stupidités de ma désolante condition de
détenu se chargent alors de sens. Certes à mes yeux seuls, mais au moins mon
regard change et s'engage vers une voie plus verticale, plus lumineuse et donc
plus salubre. Et mon coeur n'a plus qu'à suivre mon intelligence qui ouvre le
chemin.
La durée de ma peine n'en sera pas réduite pour autant, il est vrai. Mais
ce qui fait toute la différence lorsque j'adopte cette attitude, c'est que dans ces moments précieux le
monde s'allège pour moi.
Cette faute pour laquelle je me retrouve en taule, je la paye sans
broncher. Et elle me rend la monnaie : l'eau qui jaillit du pommeau pour venir
couler sur mon corps n'a plus la lourdeur et la froideur de la réprobation
humaine mais la douceur et la chaleur du pardon céleste.
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