09 novembre 2025

61 - Mutisme

Face aux barreaux mutiques de ma cellule, j'ai fini par me taire.
 
Purement et simplement.
 
Au tout début il m'arrivait de crier en l'air, à tort et travers. En réalité je m'adressais au vide et à l'indifférence. Mais je ne le savais pas encore. Je pensais bien faire, j'imitais bêtement les autres détenus... Ils font tous le même cirque, sans aucune lumière dans leur tête ni la moindre légèreté dans leur âme. Je devais comprendre assez vite que le fait de singer cette humanité braillarde et grimaçante ne m'avancerait pas à grand chose.
 
J'appris par cette expérience que les silencieux soupirs des profondeurs de mon être étaient finalement bien plus retentissants et féconds que ces inutiles hurlements. Ces derniers restent creux, vains, bestiaux et totalement stupides. Je les assimile d'ailleurs à des barrières et non à des ouvertures. Ils coupent la parole au lieu d'amorcer l'échange. Ces beuglements d'animaux ne débouchent que sur des malentendus.
 
Ils cassent surtout les oreilles des gardiens. Personnellement je ne ressens nul intérêt à produire autant de bruits stériles dans ce pénitencier alors qu'il est possible d'y apporter la paix des prières.
 
Pourquoi vouloir semer de l'ivraie, ajouter de la dureté, aggraver les désagréments au milieu de ce fracas de béton et de cet amas de laideurs ? Même les chardons peuvent choisir de fleurir plutôt que de toujours sottement afficher leurs repoussantes épines. Quel bénéfice peut-on donc trouver à jouer les diables quand on est capable de se montrer doux et tranquille ?
 
Ces mots de fureurs poussés pour rien sont des poids morts aux yeux du monde, des pollutions sonores qui empêchent toute communication fructueuse, des plaintes lourdes et encombrantes d'ânes idiots et grotesques. Ces clameurs de bêtes ne font trembler que les murs, jamais les hommes.
 
Les premiers demeurent de marbre et immuables même après avoir été secoués, les seconds se bouchent tout bonnement les tympans et passent leur chemin.
 
Heureusement que je ne vois pas ces singes en cage qui m'entourent... Je les entends certes s'agiter, braire, aboyer, baver comme des imbéciles à certaines heures du jour, mais depuis ma geôle je ne suis pas témoin visuellement de cet affligeant spectacle. Ces quadrupèdes à visages humains se confrontent ainsi toute leur vie durant au néant. C'est leur problème.

Moi, grâce à mon silence, je jouis d'une éloquence supérieure : je communique avec la sérénité me concerte avec l'intelligence.

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