En plein milieu de la journée, je vois un carré de béton s'enfoncer sur l'un des quatre murs de ma cellule. Le creux se forme devant moi, donnant sur un espace noir, profond et inquiétant. J'ignore si cette trappe subite consiste en une entrée ou en une sortie.
Par quelle folie ce phénomène peut-il se produire ? Et pour quelle raison ? Dois-je profiter de l'opportunité pour m'engouffrer dans cette voie soudaine ou au contraire m'en tenir à une prudente distance ? N'est-ce pas plutôt un piège ? Un simple leurre ? D'ailleurs, que puis-je découvert derrière ce passage vers l'inconnu ? Des ténèbres ou de la lumière ?
Bientôt des ombres surgissent de ce trou mystérieux et ma geôle se peuple d'hôtes invisibles. Ce qui me confirme que j'ai bien affaire à un accès franchissable et non pas à une ouverture bouchée.
Je capte de vagues présences dans l'air, devine des regards se poser sur moi, perçois des visages impalpables me tourner autour. Compagnie amicale, impassible ou indésirable, comment savoir ? Me sentant indubitablement entouré par ces êtres immatériels, dans la détresse de ma solitude et le vide apparent de la pièce je leur adresse des mots incertains. Je n'obtiens que le silence. Vaine tentative de communication avec ces étranges entités venues de je ne sais où... Je commence à me demander si, en définitive, ces intrus existent vraiment... Peut-être mon imagination chancelante de captif à perpétuité me joue-t-elle des tours ?
Ou alors tout cela est effectivement réel et il ne me reste plus qu'à explorer cet univers nouveau ! A cette pensée, j'ai l'impression de m'égarer un peu plus loin encore dans mes délires de rat reclus... A ce stade de ma réflexion je ne me considère déjà plus du tout seul. Au point de ne plus oser m'allonger sur le lit, de peur d'y réveiller un dormeur en train de rêver. Ni de m'asseoir sur la chaise, de crainte d'y déranger un écrivain penché sur sa feuille. Je veux parler de ces drôles d'étrangers qui se sont invités dans mon antre et dont les traits ressemblent tellement aux miens...
Que faire ? M'enfuir par cette hypothétique brèche ? Juste y passer la tête pour satisfaire ma curiosité, à mes risques et périls ? Alerter les gardiens ? Fermer les yeux jusqu'à ce que les choses redeviennent normales et oublier tout ? Je ne compte de toute façon nullement trouver dans cette inexplicable issue une quelconque occasion d'évasion... Et puis, pour aller où ?
Non, je cherche surtout à comprendre ce que signifie cette diablerie.
Croyant dur comme fer à cette apparition, un doute m'envahit pourtant. Je retrouve mes esprits. A présent incrédule, je passe la main à travers la paroi censée être déchirée. Comme je m'y attends, mes doigts butent contre la pierre. Le monde rationnel reprend enfin ses droits.
Sauf que le sol se dérobe réellement sous mes pieds et que j'assiste quand même à l'ébranlement de la réalité, que je le veuille ou non.
J'identifie finalement ce qui semble s'ouvrir là entre ciel et cauchemar, tel un théâtre de fumées : la porte de mes chimères.
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