Je meurs dans une solitude absolue au creux de ma cellule.
Je suis livré au temps inutile qui passe. A petit feu, seconde après
seconde, sans témoin ni personne avec qui partager ce sombre vertige. Je ne
rencontre rien de plus palpitant que mon ombre sur les murs ou bien mon reflet
dans la glace.
En dehors de la visite règlementaire des matons, je demeure séparé du reste
de l'Humanité. A tout jamais. Je me retrouve aussi écarté des autres humains
qu'une terre gelée ne captant plus la lumière de son soleil éteint.
Dans ma minuscule geôle, paradoxalement je me vois pareil à un grain de
poussière sidéral entouré de l'immense vide spatial. Un point isolé qui
tourne en rond au coeur de l'infini. Je ne suis pas différent de cette
particule de matière égarée entre les étoiles : ici, statique dans ma prison,
moi aussi je vogue vainement dans l'obscurité en direction d'un gouffre
cosmique, loin des astres peuplant l'Univers.
La liberté essentielle, n'est-ce pas d'être en contact joyeux avec ses
semblables ? Avec ou sans clôture, au fond d'un trou ou au centre de
l'incommensurable, si l'on vit en l'absence de ses prochains de manière non
choisie, ne porte-t-on pas d'invisibles barreaux en soi ?
Subir un tel sort sans un être physique avec qui communiquer, sans la
chaleur d'un interlocuteur qui nous comprend, sans la présence d'un ami qui nous
ressemble, sans la complicité d'un proche qui nous écoute, voilà le plus
terrible des enfermements ! Etre ainsi coupé de ses frères bipèdes revient à
enlacer la nuit, embrasser le froid, étreindre le néant.
L'ermite s'est volontairement retranché du monde, pas le détenu. Le premier
jouit de sa situation, le second l'endure.
Je suis deux fois prisonnier : retenu dans ma pièce aux parois de béton et
privé d'échanges.
Comme un hôte de misère arrivé au milieu de nulle part, je respire seul
l’air de mon oubliette.
Abandonné et nu.
Heureusement, il me reste mon espace d'évasion : les pages blanches où
j'écris et grâce auxquelles un jour, peut-être, ces mots voués à être perdus
seront finalement lus. Si quelqu'un tombe sur ces lignes, j'ignore si ce sera
dans vingt ans ou un siècle, il saura qu'une âme les a sorties des
profondeurs.
Il est également possible que ce lecteur hypothétique croie à une fiction,
à une histoire inventée par une plume en quête de succès, à une fable destinée à
séduire un éditeur.
Qui sait ?
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