L'emprisonnement est une chose, la privation d'étoiles en est une
autre.
Du fond de ma cage, j'ai gardé en moi les appétits primaires et les
ivresses légitimes de ma condition de bipède. J'ai conservé le goût des joies
profanes et mes rêves de reclus sont exactement les mêmes que ceux des oiseaux
en liberté.
A la différence près que mes passions grossières sont décuplées.
Eux picorent encore les fruits non pas sacrés mais simplement sucrés du
monde des gens humbles et honnêtes, tandis qu'il ne me reste plus que les
cailloux amers du châtiment à me mettre dans le bec.
Dans le clair azur de mes pensées de définitif enchaîné, brillent mes plus
beaux péchés mignons d'hier, posés sur des nuages imaginaires en guise de
présentoirs idéaux : gâteaux, pralines et crèmes de tous parfums...
Ces astres ne se sont jamais éteints sous l'effet funeste des barreaux,
bien au contraire. Je n'ai rien oublié de leurs douceurs. Ces trésors
gastronomiques ont redoublé d'éclat pour la raison précise que je ne puis plus y
accéder. Aussi dérisoires et triviaux que soient ces régals aux yeux de certains
repus blasés aux sens émoussés qui en jouissent quotidiennement sans les
apprécier à leur juste valeur, peu m'importe : je les désire ardemment !
Je suis un humain et mes besoins ne sont pas ceux des dieux mais ceux de
mes semblables. Ces gourmandises se situent désormais hors de ma portée et
prennent par conséquent un prix quasi céleste.
Je n'ai pas l'âme d'un intellectuel, moi ! Et quand bien même... Sous
prétexte qu'un homme est un grand philosophe très sérieux à barbe blanche et
bardé de diplômes impressionnants, d'imbéciles censeurs lui nieraient le droit
de continuer d'aimer faire fondre dans sa bouche les sucettes de son enfance ?
Et au nom de quel principe absurde ?
Ce ne sont pas les livres qui me manquent prioritairement dans le vide de
ma cellule, mais les pâtisseries, les caramels et les tablettes de chocolat au
lait !
Mon calvaire de détenu consiste aussi dans le fait de devoir subir l'imposition de l'austère soupe carcérale.
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