13 novembre 2025

64 - Ma maison

Ma cellule est ma tombe et mon toit, mon enfer et mon foyer, mon châtiment et mon refuge, mon naufrage et mon salut.
 
Je loge dans cet unique espace réduit faisant office de cuisine, de toilettes, de salon, de chambre tout à la fois : les destinations finales de mon sort statique. Mais aussi de lieu mortuaire. Cette pièce où je tourne en rond, mange, dors et rêve équivaut à une salle d'exécution : je vais à la potence à petit pas, jour après jour, lentement mais sûrement, sans dévier de ma route. Exactement comme dans la vie du dehors d'ailleurs, où l'homme libre part de la naissance pour arriver à la mort en marchant. Sauf qu'ici je reste en plan.
 
Le mortel sous le ciel de la liberté vit pleinement, tandis que moi, dans ma geôle, je meurs tout simplement à feu doux. Le temps constitue mon principal problème. Soit je compte les heures qui passent et ironiquement elles se mettent aussitôt à ralentir, soit elles s'éternisent dès que l'aube que lève et en ce cas je préfère encore mieux les oublier... Pour les voir revenir à l'instant même où je pensais les avoir perdues de vue...
 
Mais quoi que je fasse, je ne cesse de me prendre les pieds dans le cadran horaire qui douze fois de suite au quotidien tente de me faire tomber. Impossible d'échapper à cette ombre que je traîne tel un véritable fardeau. Les semaines, mois et années représentent pour moi non pas une accumulation de pleins mais un décompte de creux.
 
Enfermé dans ma prison, je ne m'enrichis nullement de mon expérience terrestre, je calcule ma peine.
 
Même si par moments par mon esprit je vole et plane de différentes façons au sein de ma réclusion, voyage et fuse vers d'informels infinis, mes semelles de plomb demeurent résolument collées à ce sol de béton qui est devenu ma maison. Que je le veuille ou non, je suis ici chez moi pour toujours, j'y séjournerai jusqu'à la fin de mon existence, sans aucune possibilité de quitter ces barreaux d'acier qui me retiennent dans ma cage.
 
Je maudis mon logis, mais j'y suis entré pour y mourir.

Je m'enracine dans ce caveau et ne m'en évaderai jamais.

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