18 octobre 2025

46 - Le temps me tue

Le temps n'existe pour moi que pour se consumer dans la solitude de ma cellule. Il passe et meurt sur ma vie perdue.
 
Comme ces bulles d'air vouées au néant remontant du fond des marécages, mes journées ternes et creuses d'âme stagnante n'intéressent personne.
 
Les jours de mon existence de détenu naissent tristement le matin et s'éteignent bêtement le soir. Tous semblables, anonymes, pleins de grisaille, ils remplissent invariablement ma réalité de leur inutile pesanteur. Avec eux l'effroyable aventure de l'ennui est assurée et mon sort scellé à jamais.
 
Ces grandes ombres composées de vingt-quatre plombes m'engloutissent trois-cent-soixante-cinq fois par an dans un gouffre dénué de surprise : je sais que cette impasse de longue durée me mènera, sans dévier une seule fois, directement dans ma tombe. A chaque aube qui se lève, j'entreprends une expédition vers un nulle part lointain, un ailleurs bouché, un horizon barré.
 
Le pire de tous voyages.
 
Mon quotidien aux promesses de morne calvaire me tue sans bruit. J'effectue une marche interminable sur un chemin de crachin. J'avale le poison lent des heures mortes avec la régularité des horaires carcérales. Même le pauvre hère égaré, totalement esseulé dans son monde de froid et de pluie, a plus de perspectives que moi : il ignore l'issue de sa route et peut se permettre de s'attendre à de potentiels virages, à d'éventuels sommets, à de possibles rencontres, tandis que je connais mon destin à l'avance : condamné à la routine.

Privé d'imprévu, avec l'interdiction de tourner et dans l'obligation de suivre une ligne droite, je me dirige pas à pas, année après année, en direction du trou final qu'est en train de creuser la pierre écrasante des lendemains vides de joie.

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