Ils forment le cinquième mur de ma cellule.
Impersonnels, froids et administratifs, mes gardiens se fondent dans le décor. Ces hommes secs aux gestes de robots sont payés ni pour me plaire ni pour adoucir ma peine, mais pour me chagriner au possible de leur présence comme de leur absence. Mais s'ils me tourmentent ainsi, c'est toujours dans les limites inhumaines les plus strictement réglementaires, bien entendu...
Mes geôliers se comportent avec moi en véritables barreaux.
Leur visage est un portail verrouillé, un masque impassible, un désert gelé. Et leur coeur, un coffre-fort scellé à la soudure.
Ils sont composés d'acier, de glace et d'obscurité.
Formés pour n'être que des uniformes ambulants, ils s'acquittent de leur tâche sans état d'âme. Et s'il faut qu'ils fassent parfois preuve à mon égard de ce que l'on pourrait appeler de la "méchanceté", ils le font avec rigueur, soin et efficacité.
D'ailleurs ils ne sont pas "méchants" mais simplement zélés.
Je n'ai rien à craindre d'eux en réalité : ils agissent en bons professionnels sur qui je peux compter. Leurs inévitables paroles blessantes et nécessaires oppressions sont scrupuleusement encadrées.
Sans broncher, je reçois de leur part un quota quotidien de mauvaise humeur et d'authentique férocité. Des fruits amers mérités certes, mais très précisément définis, conformément calibrés, finement pesés, mesurés avec justesse, parfaitement légaux. La dureté n'est pas falsifiée ici.
Et jamais un sourire. Toute fantaisie est interdite, ce que je peux comprendre dans mon cas.
Il n'y a dans l'attitude de mes cerbères nul excès, seulement la pure application d'un règlement de fer.
Leurs yeux qui se posent sur ma tête de criminel ressemblent à des fenêtres noires : les rares regards qu'ils m'adressent me pénètrent et me jugent en silence.
Ces fonctionnaires semblables à des automates implacablement réglés qui ne me montrent aucune indulgence sont mes seuls et définitifs contacts avec l'Humanité.
Il ne me reste qu'eux.
Et c'est exactement pour cette raison que je les aime.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire