07 novembre 2025

60 - Mon fantôme

Venue des profondeurs de ma geôle, du fin fond de ma solitude, du plus noir de ma détresse, une présence me rend visite, très irrégulièrement.
 
Quand je me sens atrocement trop seul dans ce trou sans issue, en réalité dans ces moments de naufrage absolu je ne suis pas si abandonné que ça dans ma tombe de neuf mètres carrés : cette ombre inconnue prend soin de mon agonie.
 
Pour que je ne perde pas totalement la raison, ou plus précisément lorsque je suis déjà engagé sur le chemin de la folie, cette entité sans nom semble voler à mon secours. L'intruse s'introduit entre mes quatre murs afin de me rattraper en plein vol tandis que je suis en train de tomber. Elle me tient compagnie dans les ténèbres de ma cellule éclairée jours et nuits.
 
Pour le dire autrement, dans ces heures critiques où je sombre un ange m'ouvre ses bras, je crois bien.
 
Du moins j'interprète ainsi le phénomène, depuis mon point de vue personnel. Plutôt que d'avoir peur de cette mystérieuse manifestation, je préfère m'en faire une amie. Tant que ce drôle de spectre ne m'apporte aucun mal, autant percevoir cette affaire de manière positive. Jusqu'à maintenant je n'ai jamais eu à me plaindre de cette chose. Bien que cette apparition soit inexplicable, sa nature me paraît bonne de toute évidence.
 
Je n'ai nullement besoin de l'appeler, alors que je vacille et chois. Cet être dont je ne sais rien accourt de lui-même dans les minutes cruciales de ma vie de captif. Il fait diversion à ma misère, c'est là son essentielle fonction. Je le nomme "mon fantôme" faute de mieux, ne connaissant ni l'origine de cette figure qui n'est pas de notre monde ni sa véritable apparence, tout n'étant que ressentis éphémères et reflets furtifs autour de moi. Mais cet hôte étrange est bel et bien là, juste à mes côtés, je le vois avec les yeux de mon âme et le touche du bout de mes doigts. Il effleure mon visage, me souffle des mots indistincts au creux de l'oreille, me tend la main au coeur du gouffre.
 
Tout cela résonne comme une pure chimère, je ne l'ignore pas. Il me reste encore de la lucidité.

Parfois je me demande si finalement je ne suis tout simplement pas égaré dans des rêves qui ressemblent à des certitudes... Mais non, cette petite lueur dans l'obscurité existe réellement. Je ne puis me permettre d'en douter. La preuve, une fois que je retrouve la pièce définitivement vide, après que l'énigmatique esprit m'a escorté au bord de l'abîme, je me surprends à le chercher dans les moindres recoins de ma minuscule forteresse, palpant tel un dément les parois qui m'entourent, désespéré de le savoir déjà parti.

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