Ils constituent les principaux remparts entre l'ombre du châtiment et la
lumière de la liberté, marquent avec crudité les limites franches de ma
réclusion, incarnent les premières contraintes tangibles que j'affronte dès mon
entrée dans la prison, enfin s'affichent sans fioriture comme mes seuls
contradicteurs qui n'ont nullement besoin de se justifier.
En leur présence j'ai fini par comprendre qu'ils auraient toujours le
dernier mot, eux devant moi derrière. Contrairement à la porte munie d'une
serrure, eux ne s'ouvrent jamais. Fixés au mur qui leur sert de socle, ils
supportent vaillamment le sort pour lequel ils ont été conçus, immobiles,
immuables, inamovibles : je sais qu'en ce cas je peux compter sur eux.
La force est de leur côté.
Les barreaux de ma cellule me barrent la route tout en me rappelant noir
sur blanc mon crime.
Ils représentent les symboles mêmes de ma condition de détenu. Ils en sont
également les figures matérielles les plus durables.
Aussi droits et résistants que la vérité, ils ne se laissent pas tordre
aisément. Et me retiennent là où je mérite de demeurer sans que je puisse
m'échapper. Leur rôle est de donner raison à la vertu : par leur rigidité à
toute épreuve, ces gardes-fous totalement statiques mais armés d'une infinie
patience et dotés d'un coeur de fer garantissent le sérieux, le poids et la
longévité de ma peine. Contre leur corps fait d'acier trempé, ma chair molle ne
peut rien, quand bien même je vivrais centenaire. J'ai beau faire le loup, avec
eux mes crocs ne valent plus grand-chose.
Eux les troncs, moi la brindille.
Inviolables, incorruptibles et intransigeants, ils n'autorisent que le
passage du vent et des illusions entre leurs bras secs.
Le jour où je les briserai, je serai mort.
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