26 septembre 2025

18 - L'ennui

Il frappe le plus souvent possible à la porte de ma cellule afin de venir s'adosser inutilement aux murs qui m'entourent en s'assurant que je ne fasse rien, avant de s'étendre platement sur le sol pour mieux se tenir immobile face au plafond.
 
Il se montre sans vie, dénué de sève, exsangue, amorphe.
 
L'ennui est mon pire compagnon de route dans cet interminable voyage statique au coeur de ma chambre de fer.
 
Il plane au-dessus de moi, s'installe sur mes épaules, se blottit sous les draps de mon lit, se plante pendant des heures devant ma fenêtre bardée de barreaux, ne me laisse nul répit... Il s'annonce lourd comme un dimanche de mort, promet d'être aussi soporifique qu'une ligne droite, demeure inerte telle une pierre tombale.
 
Il ne me quitte que rarement, uniquement lorsque je joue avec mon ombre, que je regarde ailleurs ou que je confie quelques mots libérateurs à ma feuille de papier... Quand je me tiens assez loin de sa face morne, il consent à ce que je respire sans lui.
 
Mais dès que j'en ai fini avec mes affaires, il revient vite me voir. Il ne veut visiblement pas que je me retrouve seul. Possessif et tyrannique, il désire me faire mourir en son nom en m'étreignant de ses bras flasques. Non content de me poursuivre de ses molles ardeurs, il cherche une faille en moi pour me pétrifier dans la torpeur. Ce froid calculateur, inlassablement, compte un par un les moutons de l'insomnie.
 
Il vient sans cesse me hanter au fond de ma prison jusqu'à ce que, trop las de sa présence, je m'endorme enfin.

Il y a heureusement une chose qu'il lui est impossible de faire, c'est d'entrer dans mes rêves.

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