En réalité je ne croupis pas si seul que ça dans la bulle austère de ma
cellule. Je reçois diverses visites, toutes impromptues. Rarement il est vrai,
mais ça arrive. A chaque fois c'est toujours inattendu et il faut avouer que je
ne me resocialise pas si facilement avec ce monde qui tente de se remettre en
contact avec moi. J'ai perdu l'habitude, je crois, des réceptions privées,
réunions de salon et autres mondanités, qu'elles soient impersonnelles ou
davantage intimes... Il me faut pourtant accueillir dignement les quelques
visiteurs qui daignent encore prendre la peine de se déplacer jusqu'à mon lieu
de réclusion et leur faire bonne figure.
Il y a d'abord ces beaux messieurs les cafards, rigides, furtifs et
hautains sous leur sombre carapace qui leur sert de costume de soirée. Ils
n'apprécient pas trop la lumière de ma geôle mais ne refusent pas d'aller
s'aventurer audacieusement dans l'espace découvert éclairé par la lampe pour y
récolter les miettes éparses issues de mes anciens repas.
Quels aventuriers ! Un authentique dépaysement que leur présence...
D'une courtoisie plus sépulcrale, viennent ensuite mesdames les araignées.
Plutôt élégantes avec leurs manières distinguées certes, mais quand même assez
glaciales dans leur approche, elles incitent naturellement à la prise de
distance. Je considère leur venue comme une véritable surprise. Elles sont
d'ailleurs tellement surprenantes que je sursaute systématiquement en les voyant
apparaître à mes côtés.
Effet garanti : dès que je les vois ces agréables dames de chambres me
tendre leurs pattes, si affectueuses, mon coeur bat assurément la
chamade...
Les demoiselles les punaises quant à elles ne font pas autant de chichis.
Affectionnant ma proximité épidermique, elles se montrent moins arrogantes que
les hôtes précédents à qui je fais un accueil modérément chaleureux,.. Bien
qu'ayant une fâcheuse tendance à vouloir honorer ma couche d'une amitié aussi
brûlante qu'envahissante, j'affiche envers ces dernières une certaine retenue,
pour ne pas dire une franche froideur. Moi aussi j'ai mes petites aspérités
sociales...
Indubitablement, ce cercle de joyeuses créatures cherchant la sociabilité
me réconforte de son opportune compagnie !
Malheureusement ces entrevues, qui au départ semblent motivées par de bons
sentiments de la part de ces intrus, finissent souvent en horrible carnage. En
général mes pauvres amis rampants se retrouvent collés à ma semelle.
Quelle tristesse, vraiment !
Du fond de mon trou de pénitent, je ne dois pas avoir le sens de
l'hospitalité convenablement développé, à mon avis.
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