C'est le début de ma longue progression vers l'enlisement.
Les premières routines se sont installées. Je ne me projette déjà plus dans un avenir illusoire, ne me perds pas stérilement dans des considérations purement théoriques. Au contraire, je ne m'accroche qu'au seul réel encore à ma portée.
Je me laisse engloutir par les jours pétrifiants qui se succèdent. Le temps devient une entité à la fois vague et tangible, un sable incolore qui me recouvre peu à peu, une sorte de présence invisible qui s'impose à moi de plus en plus et m'enfonce la tête dans une nouvelle sphère. C'est une force floue, un vent doux et léthargique qui insidieusement m'entraîne vers un autre univers fait de lenteurs, d'attente, de vide et de silence.
J'entre dans cet espace vierge comme si j'étais un nouveau-né.
J'y découvre un monde étranger avec des formes singulières, des lois différentes. Ici rien n'est totalement désespérant : en fait j'ai le choix, je le sais, de subir cette réalité ainsi qu'un mauvais rêve ou bien d'interagir à mon bénéfice, avec ces éléments qui m'entourent. Aussi peu que ce soit certes, mais de manière certaine et concrète.
Même si cette liberté de faire bouger modestement les ombres, d'allonger ou de raccourcir les heures de quelques secondes ou de décider de la couleur que prendront les mirages reste parfaitement dérisoire, je puis à ma guise en user pleinement. Aussi, ivre de cette découverte, je remplis ces inutiles interstices de toute ma volonté d'action.
Cette possibilité de mouvement semble ridicule. Elle demeure, il est vrai, dans les limites restreintes de mes capacités mentales, psychologiques et spirituelles au sein de ma minuscule cellule. Cela suffit cependant pour m'ouvrir une porte insoupçonnée, dépasser une frontière, pénétrer dans un ailleurs qui m'allège et m'emmène vers une once de ciel bleu.
Mais conscient pourtant que ces insignifiances prennent des proportions démesurées, je m'interroge...
Je me demande si, au point où j'en suis, tout ce que je viens d'écrire sur cette feuille blanche qui me sert d'évasion ne serait finalement pas un pauvre délire.
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