10 octobre 2025

38 - Un oiseau à ma fenêtre

Parfois les événements surviennent du mauvais côté, les circonstances sont malvenues et les histoires  qui en résultent tombent mal.
 
Qu'avais-je besoin de la présence de cet intrus venu se poser sur un des barreaux de ma fenêtre ?
 
Comme si le quotidien de ma réclusion, à ce même moment, ne se trouvait pas déjà suffisamment chargé par d'autres petits riens pour m'occuper avantageusement l'esprit... Pour une fois -fait assez rare pour être relevé- je n'avais aucun temps à consacrer à ce genre de futilité. Pour ne pas dire "à perdre" avec ce volatile. Quel paradoxe dans ma condition de détenu !
 
Certains jours, en effet, les heures ont heureusement moins de poids sur moi : elles deviennent beaucoup plus légères et défilent à mon insu, elles passent sans que je m'en aperçoive tandis que je m'affaire à des tâches domestiques, à diverses bricoles ou à de menues distractions. Et c'est cette occasion précise que choisit cet animal pour me rendre visite, alors que je n'avais vraiment pas la tête à cela...
 
Dans mon cas bien des imbéciles auraient vu à travers ce vulgaire piaf un symbole fort, un signe salutaire à interpréter naïvement, cherché une explication extraordinaire aussi ridicule qu'alambiquée pour expliquer un phénomène aussi banal et dérisoire.
 
Je ne me laissai pas séduire par si peu de chose. Moi je ne percevais qu'un commun moineau au plumage terne me rappelant toute la grisaille de mon environnement carcéral. Pas de quoi faire un poème de cet expert en piaillements !
 
Je suppose que ce piètre oiseau était simplement en quête de pitance, habitué à l'animation de la cour de la prison et donc peu effarouchée par les humains.
 
Il me fixait bêtement en sautillant sur la barre d'acier. Que lorgnait-il donc si assidûment ? Les miettes de pain sur le sol de ma cellule ? Je n'avais de toute façon que mon indifférence blasée à lui offrir. Nulle envie en moi d'apprivoiser ce messager du vide et de l'ennui.
 
Il s'envola bien vite.

Je crois bien que ce matin-là les étoiles furent déçues.

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