Les murs qui m'entourent sont mes pires gardiens.
Et mes plus proches confidents.
Ils me surveillent jour et nuit, m'observent, m'épient, m'accompagnent dans
le présent, le passé, le futur. Ils semblent mes amis et mes ennemis de
toujours, ils seront mes chiens fidèles et mes poursuivants jusqu'à ma
mort.
Ils m'encerclent en silence et fixent le vide. Ou peut-être l'éternité. Et
je prends leur regard de béton pour un jugement : j'ai l'impression d'être leur
jouet. Je sens le poids de leur sentence sur ma tête. Leur mutisme en dit long
sur leur froide détermination à demeurer, perdurer, et même me survivre.
Enracinés dans les siècles, immuables et quasi indestructibles, ils ont
l'éloquence des tombes.
Ils se tiennent debout autour de moi, tantôt impassibles, tantôt
réprobateurs. Ils m'écrasent, m'étouffent, prennent toute la place, me font de
l'ombre.
Aussi austères soient-ils, ils me bercent également de leur immobilisme
rassurant, ils me protègent et veulent me laisser vivre à leur pied cent longues
années encore. Et même bien plus si cela leur était possible. Leur but n'est pas
de me tuer mais au contraire de me tenir plus que jamais vivant. Et en bonne
santé. C'est leur rôle, leur mission, leur promesse. Ils sont les socles, je
suis leur hôte.
Tels des remparts contre les chocs de l'extérieur, ils me préservent de
tout. Ils m'isolent du reste du monde et m'étreignent tout à la fois.
Je les hais et les aime, eux qui s'imposent avec tant d'insistance.
Cependant je sais bien que s'ils s'acharnent à se dresser devant moi avec autant
de force, c'est pour se faire mieux oublier, justement. C'est la règle du jeu,
cruel et pourtant complaisant : ils sont là, je les vois et les chasse de mon
esprit avant qu'ils ne reviennent. Il disparaissent de mes pensées puis
réapparaissent dans mon champ de vision, indéfiniment. On se perd de vue, on se
retrouve. Je les quitte, ils me rattrapent. Je les abandonne, ils me talonnent.
Je les fuis, ils me courent après, me suivent à la trace, m'assiègent.
Ces quatre parois sont implantées au fond de mon âme. Je les frappe
rageusement du poing ou leur parle calmement. Ambivalents, complexes et ambigus,
ces obstacles me détruisent et me soutiennent. Comme des falaises
infranchissables, ils me restreignent et m'enveloppent, me persécutent et
veillent sur moi, m'assomment et me caressent. Je suis un captif qui palpite
dans un berceau de ciment et sur lequel se penche un impassible chef de
chantier.
Je ne reçois aucune tendresse, mais nulle haine non plus. On me prive de la
lumière du Soleil c'est vrai, mais on ne m'inflige pas de ténèbres pour autant.
Il m'est interdit de m'échapper, mais point de rêver.
Je suis enfermé d'un côté, par ailleurs on me permet d'accéder à une autre
forme de liberté. On m'enchaîne physiquement et en même temps on m'offre
l'opportunité de m'évader virtuellement. On m'emprisonne mais on me laisse le
souffle de vie.
Non je ne suis pas devenu une pierre. Réduit à une minuscule flamme, je ne
m'éteins pas tout à fait entre ces fantômes statiques.
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