05 octobre 2025

32 - A travers la fenêtre

Mois après mois le monde extérieur s'éloigne de ma réalité. Cependant, des fragments éphémères de cette lointaine lumière passent encore par la fenêtre de ma geôle. Des clameurs de cet univers perdu me parviennent, aussi bien dans la mer d'ennui de mes mornes journées que dans les froids engourdissements de mes nuits de néant.
 
Depuis la brume de ma cellule, je capte de temps à autre des voix emportées par le vent, de vagues cris d'hommes en joie ou d'enfants en pleurs, des rires indistincts de femmes, des bruits sourds échappés de quelque industrie, des échos de fêtes ou des jeux de guerre, des flots passagers ou des jours de feu, enfin tous ces signes montrant qu'une vie subsiste par-delà la clôture de la prison.
 
J'empoigne alors les barreaux de ma lucarne et, tendant l'oreille, essaie de récolter quelques miettes supplémentaires venues du dehors, m'évertue à recueillir les dernières lueurs intermittentes issues de ma planète natale, définitivement quittée et désormais inatteignable, appelée "liberté".
 
Et je rêve, le visage collé aux barres métalliques, en tentant follement de percer les murailles de mon seul regard. L'entreprise, évidemment illusoire, me fait croire pourtant, durant un bref moment, que je me suis transporté ailleurs.
 
Dans mon champ de vision se dressent de vastes pans de murs et s'étend une partie de la cour. L'architecture pénitentiaire prend toute la place. Je n'ai accès qu'à un coin restreint de l'azur. Et mon coeur, pour verdir un peu, doit attendre qu'une pluie tombe du ciel.
 
Je demeure ainsi une heure entière à fixer vainement la tristesse de l'espace carcéral, attentif aux moindres vestiges des palpitations de l'Humanité.

De l'autre côté de la frontière de béton où je suis reclus, on m'a totalement oublié.

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